Vous êtes un humain. La première fois que vous me voyez, vous me confondez avec une des vôtres. Une jeune fille aristocrate, peut-être, au parler distingué et aux manières élégantes. Et puis, plus vous conversez avec moi, plus vous vous apercevez de détails étranges, et cela vous inquiète. Mais généralement, vous ne vous rendez pas compte que je joue avec vous. Puisque vous ne me connaissez pas, vous ne pouvez pas comprendre que mon intérêt pour votre personne n’est que factice. Sous ma façade amicale, je vous teste et m’amuse à deviner le goût qu’aura votre âme lorsque je vous l’arracherais dans quelque sombre recoin…

Vous êtes un démon. Vous savez qui je suis, et je sais qui vous êtes, vous savez ce que je veux – sang et souillure et âmes solitaires – mais vous ne pouvez pas me satisfaire. Curiosité à votre égard, j’éprouve. Je. Je ne suis plus à couvert. Je laisse m’emporter mes désirs. Pulsions ? Je peux vous toucher, vous frapper et même vous haïr. Je ne peux pas faire semblant de vouloir ne serait-ce que m’associer avec vous. Donnez-moi du plaisir, je ne vous rendrais rien.

Vous êtes un shinigami. Vous me méprisez, je vous méprise, nous nous méprisons… Vous vous êtes octroyé le droit de juger les crimes et les bienfaits, vous dirigez et classez les âmes mais vous-mêmes n’êtes pas si différent des humains. Votre méchanceté est aussi complexe et hideuse que la leur. Vous me donnez envie de vous déchirer en mille petits morceaux. Me baigner dans la rougeur de votre sang serait pour moi source de bienfaits.

Vous êtes un ange. Vous aimez les humains, les soutenez, vous plaidez en leur faveur auprès de votre père. Vous êtes pur et saint. Si lumineux que vous côtoyer me fait mal, d’une douleur curieuse et qui me ravit au plus haut point. Mais vous aussi, vous êtes fou. Brisé, parfois. On vous appelle déchu. Vous nous imitez, nous, démons, vous tentez pathétiquement de faire le bien qui fait mal. A ce moment, vous me répugnez tant vous êtes risible.

Outre la nourriture quotidienne, je recherche l’amusement. La vie dans ce monde est ennuyeuse, mais celle aux Enfers est bien pire encore. Alors, je continue à semer autour de moi le désordre, attentant patiemment de rencontrer…

Un humain potentiellement intéressant. Je ne le tuerais pas tout de suite. Il est spécial, il diffère de ses semblables. Il me fascine et m’intrigue. Je veux le connaître et plonger au fin fond des méandres de son cœur si laid. Quelle est son passé ? Comment puis-je le faire souffrir le plus possible lorsque le moment sera venu de le dévorer ? Il m’intéresse, au point que je me sens capable d’attendre des années avant de passer à l’acte.

Un démon pouvant me procurer quelques divertissements. Un semblable qui n’est pas tenu en laisse. Un diable libre et suffisamment étrange pour que j’accepte sa compagnie. Juste le temps de quelques crimes, quelque méfaits… Une association de si courte dure qu’on dirait un songe. Mais dont le résultat est lui, bien réel. Destruction et chaos sont le résultat de notre relation. Et, peut-être, enfin, la dissolution d’une partie de cet ennui dans lequel je m’englue de jour en jour.

Un shinigami assez méritant pour devenir mon adversaire. Un dieu de la mort suffisamment fort pour ne pas périr sous mes attaques. Nous nous battrons. Encore et encore et encore, jusqu’à la fin de la nuit et la mort du matin, nous nous battrons tellement que notre peau se teintera d’un rouge sanglant. Il sera là pour moi et non pour son devoir, pour mon faire couler mon sang et pour recevoir mes coups, pour tenter d’apercevoir mon passé qui défile sur le fil de sa lame.