Il ne me suffisait plus au bout d’un instant d’être le pauvre petit garçon qu’on essayait toujours de supprimer de la société, dont le crime était d’être un pantin dont on n’arrivait plus à tirer les ficelles. Je suis toujours autant méfiant envers mes semblables en réalité, et d’autant plus lorsque les êtres qui m’approchent sont d’une autre nature que celle des humains. Peut-être parce que l’on m’a appris à ne jamais accorder sa confiance à autrui, et que je sais qu’on veut toujours du mal au gens, soit pour se glorifier, soit pour leur soutirer quelque chose. Je ne suis pas du genre à aller vers les gens, tout simplement parce qu’ils sont sensés n’avoir aucune raison de le faire. Par conséquent, je ne déballe pas ma vie à n’importe qui. Ce que je suis devenu ne regarde que moi, et mes erreurs passés me font un peu honte …
Je ne regrette pourtant pas d’être ce que je suis aujourd’hui, sans en être pourtant fier. Je n’aime pas les gens qui se vantent de leur exploit, alors que ceux-ci sont teintés de mensonges. En fait, je ne vois tout simplement pas pourquoi les gens se jettent des fleurs alors que leurs actions ne sont pas louables. Je ne me suis jamais demandé ce que cela pouvait leur apporter, et même si je le savais, je ne crois pas que je ferais un jour de même.
Et pourtant, je sais que je ne suis pas sans défauts. Mais le fait d’apprendre à vivre avec au quotidien peut quand même aider à avancer.  
Même si je n'ai eu aucune éducation, même si je n'ai jamais eu le droit d’accéder à l'école, je sais que je me débrouille mieux à présent qu'un autre. Je n'ai jamais vraiment vécu auprès d'autres personnes, mais je sais me tenir en société si je dois le faire, et rester poli. Il faut savoir rester pacifique, surtout lorsque vous êtes entouré de gens arrogants et irritables. Un rien peuvent les contrarier. Disons que malgré mes années de solitude, j'ai appris à ne pas me mêler aux autres. Je dois avouer que ça doit être à cause de mon côté lunatique ... on me prend toujours pour un simple d'esprit alors qu'il n'en ai rien.
Depuis que je suis devenu démon, je vois les choses de manière un peu plus rouge... le royaume de l’Ira m’aurait-il changé ? Je n’arrive plus à contrôler ma colère, si bien que j’en deviens impulsif et violent. Je ne comprend pas ce changement, puisque ma peur a désormais totalement disparue. Serait-il possible que ma nouvelle condition réveille en moi une rage que je ne voulais pas exprimer? Si c’est le cas ... cela expliquerait mes nouvelles capacités physiques ...

Je suis un peu déçu d’avoir gardé mon apparence d’avant. Je sais, c’est idiot de ne pas accepter d’être comme l’on est, mais elle me rappelle toujours au combien j’étais fragile. Certes, on s’attend toujours quand on est un garçon à ressembler un jour aux hommes qu’on prend en modèle. Mais il n’en ai rien. Je ne grandirais plus à présent.
Je resterais à jamais cet adolescent, encore jeune, même si je garde une taille moyenne pour l’âge que j’avais. Mais je reste frêle d’apparence, et peu de gens me prenne au sérieux ...
La forme de mon visage est mince elle aussi. A vrai dire, je n’ai jamais été un enfant joufflu, à qui on donnait des croissants en allant en ville. On me reproche aussi souvent d’avoir sur le visage une expression impassible, fermé, impénétrable ... ils voudraient sans doute que je me force à sourire pour eux ?
J’ai toujours eu le teint pâle, à vrai dire le climat Londonien y étant favorable. Et à vrai dire mon séjour dans les enfers n’y a rien changé.
Le seul atout de rester un jeune garçon, c’est que je ne suis pas embêté contrairement à beaucoup d’autre à me raser. Je laisse cela pour mes aînés ...
Mes cheveux reflètent surement le plus ma façon d’être au quotidien. Je dois confesser que je m’en occupe très rarement, à quoi cela me servirait-il d’ailleurs? Nous autres démons ne sommes pas obligé de nous embêter avec ça ... pourtant, il est vrai qu’ils commencent à être un peu trop longs à l’avant, et qu’ils ne ressemblent plus à grand chose, en partant dans tout les sens comme ça ... et puis leur couleur noire est très inhabituelle pour les superstitieux ...
Mes yeux le sont aussi, en quelque manière, au vu de la même couleur sombre. Quoi que, cela faudrait plus pour mon œil droit. L’autre a ... comment vous dire ... j’avais le sceau de mon contrat imprimé dans ma rétine ... et le jour où mon démon ne répondit plus à mes ordres, je crois qu’il a changé à jamais ... je ne préfère pas le montrer, j’en ai un peu honte ... il n’est en rien comparable à celui d’un humain.
Pour mes vêtements, je m'habille au grès des saisons, avec ce que je trouve, et ce que j'avais avant. En fait, peu m'importe. Les habits ne font pas le moine ... et je ne m'attarde guère à me demander ce que je vais me mettre. Pour ça il me faudrait un garde robe, et même une chambre, ce qui implique une maison ... vous voyez le problème, non ?
Oh je ne vous avez pas dit : j’ai toujours eu des cernes sous mes yeux, et cette impression de fatigue ou de souffrance. Disons que j’étais malade avant de demander à mon démon de me transformer comme lui ... j’ai gardé cette apparence, même si vous vous doutez bien que depuis, j’ai des facultés physique pour me battre.
En fait, je dois avouer que je me débrouille très bien pour les combats et les arts martiaux ... les enfers doit y être pour quelque chose. Et mes "chasses" aussi.

De vous à moi je pense que je n'étais pas fait pour vivre en tant qu'humain. Ne pouvoir vivre qu’au rythme d’émotions, à la nature changeantes, et de n’être qu’esclave d’eux faisaient partie des choses invivables pour moi. La sensation de faiblesse était celle qui ne me quittait jamais. J’avais toujours l’impression de n’être qu’un insecte capable d’être écrasé à tout moment par mes semblables. Un être méprisable sur lequel tout le monde rejetait les malheurs du monde. J’étais la plaie de cette communauté. J’étais la crasse qu’on ne pouvait jamais laver, et dont on avait honte. Et je n’étais qu’un enfant à qui on avait arraché l’innocence, a qui on avait privé chaque bonheur que pouvez vous offrir la vie ? Pour moi, il n’y avait rien de tout cela. J’étais seulement né dans le but de mourir un jour. Un morceau de viande qui se traînait jour et nuit dans les rues de Londres, sans accomplir aucun but, sans n’avoir de rêve. Tout n’était que ténèbres et noirceur. La lumière n’était que le feu qui me consumait jour après jour. J’avais peur de tout, me méfiait de quiconque s’approchait de moi. J’avais pour habitude d’être agressif envers ceux qui voulait me soumettre. J’étais en colère contre eux. Mes aînés. Ceux qui voulaient faire des enfants des adultes. Je les haïssais d’arracher ce qu’il y avait de plus beaux dans un enfant. Je les haïssais, avec leur guerre, leur problème, leur règles. Je haïssais tous ceux qui se croyaient supérieur, et je voulais les détruire. Je voulais détruire celui qui se pensait être élu d’un dieu qui n’existait pas : je voulais tuer George III, roi d’Angleterre.

Je suis né à Londres en 1778. Mon père et ma mère m’avait abandonné dans les rues pour une raison que j’ignorais. Peut-être étaient-ils simplement morts pour avoir aidé des américains à réclamer leur indépendance ? A l’époque la guerre avait engendré beaucoup de dépense, sans compter que l’Angleterre était également en conflit avec la France. Et même les années suivantes, tout semblait n’être que conflits au sein même de la capitale.

Je ne me souviens pas comment j’avais réussi à survivre seul dans les rues de Londres, mais je pense que j’y ai passé ma jeunesse entière. Je ne m’étais jamais demandé qui avait bien pu subvenir à mes besoins, mais à vrai dire cela avait peu d’importance par la suite. Je passais mon temps à voler pour avoir de quoi me nourrir, à faire la manche dans les rues, jouer à l’enfant sans défense pour avoir quelques shillings. C’était mon quotidien, avec des enfants du quartier. Londres comportaient beaucoup d’orphelins, et d’ailleurs elle en a surement toujours porté. Il me semblait qu’il y en avait beaucoup comme moi, qui cherchaient à survivre dans cet espace. Il y avait souvent des clans d’enfants, capable de vous suivre pour prendre votre butin précieusement trouvé. Capable de vous tuer pour survivre. Mais ça n’était pas les pires. Il y avait aussi des milices qui patrouillaient pour nous traquer.
Le roi avait décidé de nous supprimer de la société pour nettoyer les rues. Il voulait d’un peuple fort, riche, et prospérant. Il ne voulait que la guerre pour détruire ceux qui l’empêchait dans sa quête de conquérir le monde. Il fit tuer des enfants orphelins, dans le silence le plus complet, pour qu’aucuns ne s’affolent. Et puis, qui viendrait à s’inquiéter de la disparition d’un être qui n’était lié à personne ?
J’ai vu beaucoup d’exécutions, et je me suis fais rattraper une fois. Une seule fois.
Et cette fois, c’est lui qui vint me sauver.

Il faisait noir, je ne distinguais plus rien ... je sais que mes poursuivants n’étaient pas très loin. J’avais le flanc en sang, parce qu’on l’avait tiré dessus. On m’avait manqué de peu. J’entendais leur menaces bourdonner mes oreilles ... la pluie avait commencé à tomber. Pourtant cette ruelle où je me cachais fut rapidement teinté de rouge et les échos d’hommes affolés emplirent le lieu. Jusqu’au silence complet. Jusqu’à ce qu’une voix froide et pourtant profonde vint caresser mes sens.

" Une telle colère chez un petit être."

Je ne savais pas s’il m’avait sauvé intentionnellement en réalité. Peut-être avait-il simplement suivi mon odeur et voulait se repaître directement. Mais le fait de s’être trompé d’âme l’avait amusé. Je n’eus pas le temps de voir sa vraie forme quand je me releva. Il apparut devant moi, et je compris aussitôt ce qu’il était. Les cadavres des ses victimes restaient encore sur le sol, le sang couvrant les briques des murs. Je n’avais pas peur. Il me souriait simplement, avant qu’il ne m’explique ce qu’il voulait faire de moi. Et même si je savais ce que cela engendrait, j’acceptais aussitôt.

Et il m’aida à tuer. Mais pas celui que j’espérais. Il fut mon arme et mon bouclier dans des moments qui n’auraient jamais dû arriver. Je n’étais pas le seul garçon qui avait passé un contrat avec un démon. Je n’étais pas le seul qui possédait un pouvoir à présent immense. C’est pourquoi, 6 ans après mettre lié à l’être que je surestimai, nous nous lançâmes dans un combat un peu trop fou.

Nos adversaires étaient presque notre propre reflet. Il se connaissait aussi bien que nous. Mais je perdis dans ce combat le seul être qui avait bien voulu de moi. Je perdis mon démon contre un duel. Pendant longtemps je le cru même mort, mais je le retrouvais par la suite. Le sommant de prendre mon âme pour ne pas mourir, il refusa. Je ne m’étais pas vengé. Et cette fois j’étais empli de colère contre celui qui m’avait provoqué.

Alors je lui ordonna l’irréparable. Il ne voulait pas le faire, mais il n’avait pas le droit de me désobéir. Alors il me transforma comme lui. Je devins démon tout comme il l’était. Sa blessure faite par Laevatein, l’épée démoniaque pouvait le tuer. J’essayais de l’aider tout comme je le pouvais. Mais il ne voulait plus de moi à présent. Et je le savais.

Ô combien je l’avais fait pour lui, il ne voulait plus de moi en tant que démon ... peut-être m’étais-je trop attaché à lui, contrairement à ce qu’il avait fait. Je l’aimais. Lui pas. Je lui ordonna de rester avec moi, pour l’éternité. Il refusa, et s’enfuit. Mes appels n’eurent aucune réponse, seul l’écho de ma voix. Mon œil gauche se teinta de noir et je su qu’il se passait quelque chose avec mon sceau ... il était toujours là, mais sans vraiment l’être encore ...

Je descendis rapidement aux enfers, cette fois de colère envers tous. Les Hommes, les démons ... envers moi-même qui avait cru possible en mon amour. Je resta longtemps seul et caché, sous ma nouvelle forme, concentrant mes pensées sur ma colère. Les décennies passèrent vite. Et je décida bien vite de choisir mon nouveau destin. Je serais un chasseur de démons. Les démons qui se jouent des sentiments d'humains, qui renie ce qu'ils peuvent ressentir au plus profond d'eux. Car je suis un démon, et je ressens toujours autant les choses ... toujours autant d'amour...après 100 longues années ... toujours autant.

" Je te tuerais, pour tout l'amour que j'éprouve pour toi."