Avec toi, c’est tout ou rien. Tu ne fais pas les choses à moitié. Surtout quand il s’agit de s’emporter. T’énerver, ce serait presque une de tes spécialités. Pas pour rien, quand même, mais la moindre petite chose, quand tu décides de faire preuve de mauvaise foi, peut te servir d’excuse pour insulter la première chose ou personne venue. T’es un peu un ours qu’il faudrait pas trop chambrer, sauf si on a envie de se retrouver dans une bonne baston. Tu sais te servir de tes poings. Un peu trop rapidement. Au fond, t’es peut-être bien susceptible. Plus sur certains points que d’autre.

Et plus avec les hommes aussi. Avec les femmes, c’est différent, tu ne vas pas non plus te mettre à frapper tout ce qui bouge. Elles ne le méritent pas non plus. Mais t’as tendance à être un peu trop charmeur, trop parleur. Tu ne cherches absolument rien de sérieux, t’attacher, tout ça, ça ne te dit rien. Tu donnes le ton dès le départ, donner des faux espoirs c’est inutile à part faire perdre du temps à tout le monde et blesser inutilement. T’as beau te foutre des gens, t’as pas envie d’en avoir sur le dos pendant des heures. Ou des jours. Et la patience, non c’est pas ton fort. Tu préfères leur démontrer à tous l’étendue de toutes les insultes que puisses connaître. Un vocabulaire on ne peut plus étendu.

Et pas question de faire attention en se restreignant. T’as pas envie de faire plaisir aux autres. T’y fais même pas trop attention, à part quelques exceptions. C’est que c’est difficile d’arriver à gagner ton amitié, voir même une relation positive, sauf qu’une fois que c’est le cas, tu es on ne peut plus loyal. Tu te sens même généralement trop concerné par ce que peut vivre ton proche et réagir au quart de tour. T’es très protecteur. Pas le plus sympathique et démonstratif, mais tu l’es.

Et mine de rien, t’es pas mal courageux aussi. Plus que stratège. Réfléchir, tout ça, c’est trop chiant. Beaucoup trop chiant. T’as besoin que ça bouge, que ça avance. Même si t’es capable aussi de faire preuve d’une énorme fénéantise. Genre dès qu’on doit remplir des papiers. Ca devient chiant, Et t’y mets le plus de mauvaise foi possible, même si tu te tiens généralement aux règles, t’aimes les tester, voir jusqu’où tu peux aller. C’est plus drôle. Plus distrayant. La vie est assez chiante comme ça. T’es pas dénué d’humour non, mais t’en a un qui ne plaît pas à tout le monde par contre. Et bien une nouvelle fois, tant pis.

Ceci dit, y a des moments où t’es de bonne humeur quand même. Tu sais mettre l’ambiance, encore mieux après un ou deux verres. Façon grande gueule, mais tu sais le faire. Tout comme tu sais te mettre en valeur quand il le faut. T’es confiant, t’hésites pas à suivre la moindre de tes idées, et à défendre tes idéaux. Jusqu’à briser une ou plusieurs règles, morales ou non. Parce qu’au fond, ce qui compte le plus, c’est bien ce que peux te dicter ton cœur, et rien d’autre.

Ton physique, t’y fais attention, c’est un peu comme ta vie. Ta non vie. Il est pas commun, tu tiens à sortir un peu de la norme, puis c’est important de bien se sentir dans sa peau, et dans ton cas, c’est d’en prendre soin qui est important. T’as de la chance au moins, t’es assez grand de base. Grand, et bien bâti maintenant. Les efforts que t’as pu fournir ont payés, ta musculature n’est pas ce qu’on pourrait appeler de frêle. T’es pas le plus gros baraqué, mais tes épaules sont larges, t’aurais pu même peut-être postuler pour être garde du corps, ça aurait pu marcher. Ou videur.

T’as un certain style en plus. Vraiment pas mal. Plus au niveau capillaire que vestimentaire. Parce qu’avec un uniforme, c’est assez difficile de faire énormément d’écarts. Tu te contentes d’ouvrir ta chemise plus que nécessaire, histoire que l’on puisse bien voir la chaîne argentée autour de ton cou, et le début de ton torse aussi. Ah bah autant que ce soit plaisant à regarder. Ta cravate, elle est toujours bien desserrée. Un style volontairement négligé. Mais intelligemment négligé. Tu rentres quand même ta chemise dans ton pantalon. Eh, ce n’est pas pour rien que tu prends la peine de  mettre des ceintures blanches.

Le reste par contre, comme le pantalon la veste et les gants, tu restes classique. Juste une chaîne qui passe de ta ceinture à l’une de tes poches. Ca va bien avec tes boucles d’oreilles. Assez discrètes, t’as pas envie de paraître pour un travesti. Surtout avec tes cheveux mi-longs. Ondulés et teints en blonds, t’as pas pris la peine de teindre le côté droit, et t’en a fais des tresses d’ailleurs. Plaquée contre ton crâne. Encore quelque chose de réfléchi. Tu passes plus de temps à te préparer qu’autre chose, oui. Surtout avec ta barbe de quelques jours, minutieusement taillée.

Mais au moins, t’as pas l’air de n’importe quoi, et t’es sûr de toi, t’en a l’air en tout cas, avec tes sourcils légèrement froncés, et foncés, tes yeux vert et jaune, un peu en amande, donnant l’impression que tu regardes un peu les gens de haut, mais ton sourire fait contrebalancer. Un sourire charmeur, ou narquois dépendant de qui tu croises.

Ta vie humaine, t’aurais voulu l’oublier. Elle est pas intéressante. Et surtout, elle fait un peu mal quand même. Sinon, jamais t’aurais pensé à te suicider, jamais t’aurais pensé à en finir, et jamais t’aurais trouvé le courage de faire le pas. Pourtant à la base, tout commençait bien, tout s’annonçait bien. T’avais un petit frère, que t’aimais plus que tout, il était sympa, t’avais toujours voulu le protéger, dès que tu l’avais connu. Et tes parents, bien que peu souvent là parce qu’ils travaillaient pas mal, vous aviez une bonne entente. Une famille presqu’unie. Mais à l’âge de l’adolescence, t’en avais eu un peu marre d’être enfermé dans un train train quotidien un peu trop sage pour toi. Beaucoup trop même. Et petit à petit, t’avais lentement mais sûrement commencé à avoir ce qu’on pouvait définir de mauvaises fréquentations. Tu trainais plus qu’autre chose dans les rues. Jamais pour les bonnes raisons, et bien évidemment, ton frère tenait à te suivre. Vu que tu te rendais pas compte des conséquences que cela pouvait engendrer, t’avais jamais rechigné contre le fait qu’il vienne.

T’étais même content, de pouvoir garder un œil sur lui en t’amusant. Mais ça n’avait pas trop duré. Il avait fini par chopper une merde, au nom bien trop compliqué pour que tu le retiennes. Sauf qu’à cause de ça, il ne pouvait plus trop bouger, et surtout une bonne partie des économies devait partir dans des médicaments, qui n’avaient pas l’air de bien fonctionner forcément. Tu l’entendais toujours tousser. Et longtemps tu t’étais résigné à rester près de lui, à au moins lui changer les idées. Mais ça n’avait pas suffi, tu avais vu son état se détériorer petit à petit puis à vue d’œil. Jusqu’à ce qu’il ne rende l’âme.

T’avais eu beaucoup de mal à t’en remettre. T’as toujours du mal même. A l’époque, t’avais multiplié les sorties, les bouteilles aussi, et tu t’étais accroché à la première chose qui s’était présentée à toi. En l’occurrence, une fille. Vous vous entendiez bien, elle était magnifique et t’aurais pu donner ta vie pour elle aussi. A l’époque. Ce qui ne semblait pas être son cas. Du tout. En tout cas, tu doutais très fort qu’après deux ans et demi de relation, qu’elle te trompe soit une marque d’amour et de loyauté. Tu l’avais mal pris, très mal pris. Trop mal pris ? Mais t’avais toujours pas digéré la perte de ton frère. Et tu considérais son geste comme une énorme trahison. Trahison qui avait effacé le seul intérêt que tu trouvais encore à la vie. Alors, le plus simple, c’était simplement d’en finir, le plus vite possible. Sans trop gêner non plus, t’avais réussi à attendre le soir, t’avais toujours aimé monter sur le toit de la maison. T’y étais monté ce soir-là, et bien vite descendu. La gravité, et surtout les pavés avaient eu raison de toi.

Tu t’étais apprêté à faire face à la mort comme quelque chose de calme. D’ennuyeux peut-être, et d’éternel. Mais non. Y avait une vie, une vie après la mort, en tout cas pour ceux qui s’étaient suicidés. Une vie éternelle, une punition. Ah bah oui. C’était plutôt bien vu. Très bien vu pour une punition. Tu l’avais assez mal pris, tu t’étais énervé, ça n’avait servi strictement à rien d’ailleurs. Et t’avais été obligé de te calmer. Et de suivre ce qu’on te demandait. Un Dieu de la Mort. Wow. Dieu oui, c’était bien. Mais devoir s’occuper des âmes des gens, devoir les récolter, remplir la paperasse, non merci. Cette vie, c’était pas la tienne, cette vie, elle te faisait chier, ils te faisaient chier. Tous. Autant qu’ils étaient. Que ce soit ces études, que t’avais daigner passer uniquement pour avoir un minimum la classe quand même avec tes propres lunettes et une vraie Faux.

Une scie en plus. Y avait rien de mieux qu’une scie. Bien plus pratique qu’une serfouette ou tu savais pas quoi. Puis aller sur le terrain, c’était plus intéressant. Moins chiant en tout cas, t’avais as eu l’intention de devenir positif hein entre temps. Le pire sans doute dans tout ça, c’était que t’étais retombé dans une routine. Tout ce qui ne te plaisait pas. Alors lorsqu’on t’avait annoncé qu’on te voulait en tant que mentor, t’avais été légèrement intéressé. Intérieurement. Parce que bon, fallait pas non plus te prendre pour une baby-sitter, t’avais pas trop le caractère.

Puis tu l’avais vu, cet étudiant. T’avais cru à une blague. Une bien bonne mauvaise blague. Cette maladie, ce caractère. Il t’avait juste fait penser à ton frère. T’avais hésité à aller retrouver les enculés qui t’avaient assigné ce poste. Une nouvelle de leurs idées pour pourrir ta vie chez eux ? Très certainement. T’y avais mis encore plus de mauvaise foi que d’habitude, t’avais juste envie de tout envoyer chier. Mais t’avais pas pu t’empêcher de t’intéresser à lui, Alan. De l’écouter. D’être touché aussi, par sa manière de faire, de vivre. Et être touché par l’injustice qui le touchait particulièrement.

Tu t’étais rapproché de lui, comme tu t’étais rapproché de personne. Et tu t’étais juré de le protéger. De tout faire pour l’aider. De te démener pour trouver un moyen de l’aider. De le sauver. T’avais cherché. Et avec le temps, t’avais trouvé. Une légende. Une putain de légende. C’était ton seul espoir, votre seul espoir. Récolter 1000 âmes pures. C’était pas simple. Surtout quand on voulait être discret. Ce que tu faisais, t’étais bien conscient que tu risquais gros. Mais ça valait le coup. Tu voulais tenter le tout pour le tout, pour lui. Pour lui donner cette chance de vivre comme vous, de ne pas mourir une deuxième fois.