« I just want to scream
That nothing's what it seems
I'll just keep believing
One day I'll be king »

3 jours avant. Repérer. Analyser. Planifier. Parer toutes les éventualités. C'est un véritable jeu d'échec que de préparer le terrain. Tout ceci me rappelle trop le champ de bataille. Mon rôle d'ancien capitaine dans l'armée britannique. Au final, rien n'a changé. Je suis toujours un soldat. Je n'ai fait que changer d’allégeance. Puisqu'il m'a fallut changer de monde. Rien n'a changé... des combats se jouent aussi dans la cours des grands. Le terrain ne permet pas d'arriver autrement que par la route, sans se faire facilement repérer. Impossible d'approcher de manière discrète. Tant pis.

La partie se déroulera autrement. Dans les règles imposées par le roi d'Invidia.

Le jour même. J'ai une dette à payer. Je dois ma vie au diable qui m'a fait renaître. Je n'ai eu d'autres choix que de lui prêter allégeance en échange de ma vie d'avant. Ce sacrifice est très lourd à payer, mais que n'aurais-je fais pour retrouver ma nièce. Ou Ulrich. Que seraient-il devenu sans moi ? Et Emily ? Non. C'est une chose que je me devais de faire. Même s'il était trop tard pour me sauver des abysses et de la noirceur, il était encore temps de faire quelque chose pour eux. Pour leur salut. Et c'est pourquoi, chaque jour faisant, je savais que je ne le regretterais jamais.

Rencontrer un autre roi des enfers en qualité de simple messager n'aurait pas dû m'effrayer. Mais ce n'était plus sur le même plan. Il ne suffisait pas de faire des courbettes et bien se montrer. D'ailleurs, je détestais me plier à ce protocole. Non. J'allais rencontrer un démon puissant. Bien plus ancien que moi. Il n'avait rien à craindre de ma part. Ma récente transformation me rendait inoffensif aux yeux des autres. J'avais dû me battre pendant de longs entraînements pour prouver ma valeur. Mais ça ne suffisait pas toujours. J'étais ce pauvre humain arraché de sa vie. Faiblard ... le capitaine ne me l'avait que trop rappelé. Seul le temps pouvait m'apporter la puissance.

Et pour le moment, je refusais de me nourrir. Sot. Je devrais y passer, un jour où l'autre. Surtout si je voulais rester sur terre. Je le savais. Mais je ne me sentais pas prêt.

J'avançais mon cheval sur la route menant au domaine de Fyodor Malkovich. Ce nom était peut-être d'ailleurs le sien, qui savait... beaucoup de démons sont d'anciens humains, mais peu sont enclin à s'en vanter. Est ce réellement une tare que d'être né mortel ? Avec des sentiments pouvant aller de la plus pure passion amoureuse à la folie meurtrière ? Je n'étais pas croyant, du moins, je ne pensais pas qu'un dieu pouvait réellement exister, tout ces dimanche à passer à l'Eglise. J'avais toujours trouvé cela comme une perte de temps considérable. Peut-être que j'aurais du passer plus de temps à prier, comme mon frère aîné, plutôt qu'à guerroyer, pour être épargné ...

J'avais déjà passé un bon moment à calmer la jument lorsque j'avais dû l'acheter, à présent elle devait sentir ces présences non loin, elle semblait s'agiter. Des diables et un... ange ?

Je ne l'avais pas senti quelques jours auparavant lorsque j'étais venu repérer les lieux. En vérité, je n'avais pas repéré grand chose. Si ce n'était qu'il était impossible de venir à la dérobée.

De toute manière, ça aurait été du suicide. pas vrai ?

Je forçais ma jument à s'approcher de la grille, donnant un coup d'oeil à la bâtisse qui gardait l'entrée. Un domestique ne tardera sans doute pas à s'annoncer... je connais la procédure dans le grand monde. Enfin....

Faire semblant ne me semble plus réellement nécessaire. Et les convenances ne m'ont jamais enthousiasmé. Je mis un pied à terre, venant garder les rênes dans ma main.

Qui que ce roi Aguares puisse réellement être, je n'allais pas tarder à le découvrir.

« I just want to scream
That nothing's what it seems
I'll just keep believing
One day I'll be king »

Mon roi m’avait assez bien briefé sur cette mission. Elle n’était pas si complexe que cela, mais pour un soldat qui comme moi était plus doué à manier l’épée qu’à rester diplomate, c’était une épreuve de choix pour me tester. Et c’était d’ailleurs sans doute la raison pour laquelle il m’avait choisi moi plutôt qu’un autre : je n’avais connu rien d’autres que le combat sur le champ de bataille et j'avais obtenu le titre de capitaine juste après être rentré au pays. Je n'avais jamais réellement donne d'ordre direct à un bataillon. Même lorsque j'étais rattaché à la garde royale. C'était différent. Et a présent pour mon service envers Ira ça l'était plus encore. A cet instant pourtant devant cette demeure, j'eus l'impression que le choix qui avait été fait à mon encontre était peut-être plus judicieux que d'envoyer n'importe quel autre démon colérique. Contrairement à beaucoup d'autres sujets, j'avais remarqué que je ne montrais que très rarement ma colère. Je savais le conserver précieusement au fond de moi pour m'en servir à bon escient. Comme une seconde lame. Je connaissais également les usages de l'aristocratie, ce qui, je ne le savais pas encore, pouvait l'être particulièrement plus utile ici que je ne le pensais...

Alors que je tenais toujours la bride de mon cheval entre les doigts, j'aperçus ce chat noir s'étirer avant de sauter du muret pour me rejoindre. La forme n'atteignit qu'à peine le sol que je la vis s'étirer et se déformer brutalement pour prendre l'apparence d'un homme. Sans l'ombre d'un doute : un démon. J'admirais presque intérieurement la facilité avec laquelle il s'était transformé. Moi qui avais encore du mal avec ma propre transfiguration. Quand a savoir de quel royaume il était issu...

Je le devinais à ces traits. Il ne me rappelait qu’une trop forte amertume. Une haine que j’avais nourris des années durant pour un homme avec qui je m’étais pourtant lié d’amitié dans ma jeunesse. Des traits bien trop parfait et attirant pour un visage pourtant appartenant à la plus vil et dangereuse des créatures. Un luxurian. La rencontre de cet individu n’était pas pour me plaire... c’était même la pire des approches pour moi. Le souvenir de Lauviah était encore trop présent dans ma mémoire, d’autant plus qu’il était retenu en Ira depuis que j’avais été transformé. Il ne se passait pas un jour sans que je ne le voyais lors de mes premiers entraînements. Et je soupçonnais le roi mais également le capitaine de son armée de chercher à m'enrager volontairement...

Je savais pour autant me concentrer sur ma principale mission, et ne pas montrer mon animosité à ce…servant. J’ignorais réellement qu’elle pouvait être sa réelle fonction ici. Il pouvait très bien se présenter à moi comme un simple exécutant, cela ne pouvait empêcher qu’il pouvait tout aussi bien mentir pour mieux m’approcher. Je me méfié autant des succubes que Belzebuth lui-même, peut-être même d’autant plus, si cela était possible. J'étais loin de le dévisageais de la tête au pied. Non. Je le fixais droit dans les yeux. C'était plus sûr en ce territoire. De bien garder en vu les prédateurs.

« Bienvenue, monsieur… »

J'inclinais en réponse simplement la tête. Légèrement, pour le saluer. Je n'étais pas fou au point de paraître totalement dénué de savoir être. Je devais me montrer prudent quant aux apparences et l'attitude que j'allais montrer de moi. Car même si je devais représenter mon roi auprès de cet autre majesté, il était hors de question que je comporte comme lui. Belzebuth ne devait certaine pas vouloir se montrer en premier pour la simple et bonne raison qu'il savait qu'un premier contact de sa part ne serait sans doute pas le bienvenue. Il était beaucoup trop impulsif pour pouvoir construire la moindre alliance sans l'intervention d'un tier. Je ne le connaissais déjà que trop bien.

« Monsieur Malkovich vous attend dans ses quartiers ; si vous voulez bien me suivre. »

Pour l'heure, il fallait attendre. Étudier chaque possibilité. Et surtout ne pas se montrer hostile. Même si rien ici ne me semblait être réellement accueillant. Sans doute avais-je trop l’habitude de voir toujours les événements tourner à la catastrophe et la noirceur. Je me mis à le suivre, dans le silence le plus complet, observant une nouvelle fois ces alentours que j’avais déjà tenté de repérer ces derniers jours.