“...En parlant de cette affaire Bertram, sais-tu que j'ai croisé l'autre jour cet horrible juge Talbot. Il m'a bien sûr tout de suite pris de haut, tu penses bien, je ne suis qu'un journaliste de bas niveau pour lui, à raconter des ragots qui n'ont ni queue ni tête- m'enfin je pense bien qu'il est du genre à dire que la Vérité n'est pas toujours bonne à dire, et puis bien sûr, contrairement à lui, je n'ai aucun titre alors je n'ai pas mot à dire- c'est alors que je me suis mis en tête de lui poser des questions sur le Boucher et sa mystérieuse soit disante disparition. Évidemment, l'histoire n'a pas eu l'air de lui faire plaisir, tu penses bien. Cet abruti a commencé à dire que j'avais déjà été celui qui avait déclenché cette pagaille de Boucher à cause des preuves que tu m'avais aidé a obtenir. De quel droit ce juge ose me dire que j'ai merdé alors qu'il a lui-même sûrement dû user des preuves pour l'inculper ? Non mais dans quel monde on vit. Ce type est l'ami d'enfance de Randall, il a eu tout les droits sur cette affaire, le boucher n'a eu aucun droit de se défendre, et il a passé plus de 7 jours dans le plus grand des secrets à la tour de Londres. Je sais que tu n'as pas pu trouver ce qu'il s'était passé là-bas, mais je suis certain que des choses pas nette s'y sont produites. Alors j'ai évoqué la violence et la torture. Je l'ai vu. Toi-même me l'affirmerait si tu y avais été. Ses yeux ont brillés d'une lueur très morbide. Je suis certain que c'est ce qu'il s'est passé, et qu'il en a été témoin. Peut-être même acteur qui sait. Ce type n'est pas net. Je ne sais depuis le début. Il peut bien paraître, dire ce qu'il veut, je sais que c'est un sadique. Il traite ses subordonnés comme des sujets, à la baguette, et il parait qu'il est pire que rigide. Et qu'il a des tocs d'ordres et de propreté à la limite du supportable pour les autres. Enfin, quand tu connais Randall, ça te donne une idée du personnage. Mais comme je sais qu'il doit détester l'échec, peut être que j'arriverais un jour à le faire plier. Au final, tout ce qu'il a réussi à faire, c'est de m'éviter, pour ne pas à avoir de problème... mais je pense que je ne tarderais pas à faire ma petite enquête sur lui, pour faire un article. Tu savais qu'il s'était fait enlever à ses six ans ? J'aimerais bien faire appel à tes services une nouvelle fois pour ce coup. Tu as carte blanche, si tu as besoin, dis à Lewis que tu es avec moi. Il t'aiderait avec la police pour que tu n'ai pas d'ennuis.”

— Extrait de correspondance entre Sylas Merryn et Flynn Harper

"... Je sais ce que tu vas me dire. Combien de fois ai-je souligné ses défauts à ton adresse, combien de fois ensemble nous avions fait le tour de sa personne pour me persuader que je n'avais rien à faire avec un homme aussi méprisable et vieillissant. Pourtant, je te rappellerais que j'ai le même âge que lui, à seulement 3 ans d'écart. Qu'importe tes mots pour me rassurer sur mon teint et ma beauté, je l'accompagne malgré moi vers cette inévitable décrépitude. Mon corps souffre autant que le sien des affres de l'âge avancé, et je ne peux donc lui en vouloir pour cela. Pourquoi renier plus longtemps ses traits ridés alors que j'en porte des similaires. Le front, les yeux, les mains, rien ne nous a été épargnés. Nos cheveux ont connus tout deux ce blanchiment caractéristique, bien que sur les siens bien trop noirs, cela se vit d'autant plus au fil des années. À vrai dire, je ne crois pas que cela lui va aussi mal que je te l'ai prétendu. Je n'ai fait que me mentir à moi-même pendant tout ce temps. Il n'est pas aussi affreux à qui veut bien prendre le temps de l'observer, et d'y voir la beauté sur ses traits. Je sais ce que tu vas me dire. Mais non. Je regrette. Il n'est pas totalement dénué de charme. Et pendant un moment, j'ai bien cru qu'il serait capable de séduire bien d'autres femmes que moi. Mais il ne l'a jamais fait. Il me l'a avoué, tu sais ... il m'est resté fidèle. Même s'il savait ... et lorsque je l'ai appris, j'ai découvert un autre homme. Celui que je n'arrivais pas à distinguer jusqu'alors. Et je crois bien que j'en suis tombée amoureuse. Pour la première fois depuis notre mariage. C'est pourquoi je t'écris cette lettre. Je veux me consacrer totalement à lui à partir de maintenant. Je lui dois bien ça. Et puis, si tu savais comme je ne me lasse plus de croiser son regard bleu à quelques moments de la journée. C'était si rare par le passé, de captiver son attention, que c'est pour moi chaque fois une parfaite récompense. Son expression si absente, je me surprends à imaginer ses pensées. Sa hauteur m'a toujours surplombée, et maintenant au lieu de totalement m'intimider par sa présence, je me sens subjuguée. Je pensais ses tocs bien trop embêtant par le passé, mais en vérité, c'est un homme contrôlé. Attentif au détail. Propre et soigné. Et c'est ce dont j'ai le plus besoin aujourd'hui. Ne cherche plus à me revoir... tu sais que ça pourrait être dangereux s'il venait un jour à te croiser."

— Extrait de correspondance entre Margaret Talbot et son amant.

 

Toute naissance commence par un souffle. Cette expiration qui insuffle la force dans le corps d’un petit être, quel que soit son origine, et qui l’anime pour faire de lui un être vivant. Personne n’échappe au début de ce cycle. A la vie. Et combien même, on penserait avoir mis fin à ce mystère qui l’entoure, nous sommes encore loin d’avoir pu percer tout ses secrets.  
 
Si seulement je pouvais trouver quelqu’un qui saurait me dire. Qui saurait m’expliquer ce que je suis. Pourquoi suis-je né ce jour là dans cet environnement hostile et désert, sans père ni mère. Et pourquoi à présent, mon être se refuse à mourir…

Sa toute première pensée fut tournée vers ce ciel gris au-dessus, qui semblait déverser sur lui toutes les larmes du monde. Cette eau froide n’avait rien de vivifiante. Elle était entrain de former une flaque autour de lui, menaçant de le noyer. Il était tout petit, nouveau-né dans ce monde qui lui paraissait immense et dangereux. L’instinct de survie le fit se retourner et avancer à tâtons, poussant de petit cris et cherchant du regard n’importe quel mouvement. Mais personne ne répondit à ses appels. Rien ne venait vers lui. Et rapidement, il comprit qu’il était unique. Seul être vivant dans ces montagnes où ne subsistait que le vent, la pierre et l’eau. Lui, le dragon solitaire. Qui ne connaissait rien à cette vie. Ce monde physique dans lequel il fut soudainement propulsé.

Les premières décennies furent difficiles. Le vent et la pluie son ennemi. Il comprit rapidement que rester en bas de la vallée était trop dangereux pour lui, et qu’il devait gagner les hauteurs. Il ne comptait plus les échecs, le nombre de fois où les pierres un peu branlantes l’avaient entraîné dans leur chute en contrebas. Où encore lorsqu’un rocher un peu trop aiguisé lui avait entaillé ses flancs décidément délicat. Ce n’est lorsqu’il eut atteint l’âge de quarante ans qu’il atteignit enfin une taille convenable pour ce terrain, arrivant plus facilement à survivre, grimper, et surtout : apprendre à voler.

Ainsi il put dompter les alizées pour en faire ses alliés, la dureté de la pierre n’arrivant bientôt plus à percer sa peau devenue trop dure. La pluie une bénédiction, puisqu’elle était en réalité nécessaire à sa survie. L’absence de végétation et de proie n’était pas un problème. Il semblait qu’il tirait sa croissance et sa force d’ailleurs. Une chose invisible qu’il n’arrivait pas non plus à déterminer. N’importe qui pourrait penser qu’il aurait du mal à vivre seul, sans compagnie. Mais ce ne fut pas tellement le cas.

Il se croyait unique. Seul sur ces terres qu’il avait essayé de parcourir au plus loin. Il avait donc grandi en conséquence, sans jamais se demander s’il avait besoin de quelqu’un d’autre comme lui. Il n'éprouva nul désir de communiquer, échanger, ou se sociabiliser. Cela aurait pu durer des années, si personne n'était venu ce jour-là à sa rencontre.

Du haut de son perchoir, le fixant de son œil perçant à travers la brume, la silhouette sombre semblait slalomer doucement entre les roches en contrebas, comme cherchant à trouver son chemin. Il l'avait aussitôt perçu tel une menace : un intrus s'introduisant sur ses terres. Même si la curiosité d'un être vivant bien différent de lui l'habitait également, jamais il n'eut l'idée de l'approcher. Il le fuya plusieurs fois, repartant d'un mont à l'autre. Mais il lui sembla rapidement que la chose le suivait ...

Il n'était pas plus qu'un petit point au départ. Une tâche dans son environnement, qu'il n'arrivait jamais à accepter malgré le temps qui passait. Jusqu'à ce jour d'orage où le ciel et la terre semblait gronder de concert.

Une nouvelle fois, il l'observait s'approcher avec méfiance ; peu importe ses cachettes, cet individu semblait savoir parfaitement où le trouver. Et cette fois, il s'approchait bien trop près de son repaire : une caverne assez large pour lui, dans un des flancs de montagne. Le tonnerre n'intimidait quiconque ici, malgré sa violence notable. Alors qu'il grimpait à ce même flanc, l'intru parut un moment perturbé par des chutes de roches à ses côtés, ce qui intrigua le dragon. D'un coup de patte habile, il provoqua un éboulement pour voir comment cette fois-ci il s'en sortirait...

Comme il l’avait deviné, l’être ne savait pas voler. Et malgré la rapidité qu’il semblait avoir dans ses déplacements, il ne parvint pas à esquiver toutes les pierres qui lui retombaient dessus. Une étrange odeur le perturba , et lorsqu'il vit la chose écroulée, immobile, il se décida pour la première fois de s'en approcher. L’animal n’était pas plus grand que sa gueule, tout aussi fin que pouvait l’être ses doigts. La créature ne lui avait jamais paru si fragile, et pourtant, quelque chose en lui sembla lui indiquer qu’il devait par dessus tout s’en méfier. Une aura sombre et menaçante s’en dégageait.

Il la poussa d’un revers de la patte, cherchant à l’animer de nouveau. Le dragon l’observa, alors qu’elle était à présent tourné sur le dos, venant la renifler. Et puisqu’aucune réponse ou mouvement ne lui parvint, il se décida à prendre cet être avec lui, jusqu’à son repère. Après tout, il était peut-être devenu aussi inoffensif que la pierre qui tapissait cette région désolée.

C’est seulement quelques heures plus tard que le démon ne reprit connaissance dans cette grotte. Silencieusement, il s’approcha du dragon à ses côtés qui s’était finalement endormi. La plaie causée par l’éboulement avait disparu. Il leva le bras vers l’animal, agitant légèrement la main, en essayant de se faire le plus silencieux possible, une lumière venant doucement entourer les écailles autour du cou. Formant peu à peu un collier de métal.

Mais alors un nouvel éboulement à l’entrée de la caverne réveilla le dragon. Qui planta son regard bleu azur directement dans celui du démon. Il su d’instinct, que cette créature transpirait le Mal en cet instant. Et que son dessein envers lui n’était que vilenie.

Il n’avait donc qu’une chose à faire à présent.

Le mettre hors d’état de nuire.

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