Malgré ses treize ans, Ciel est quelqu'un d'incroyablement complexe; et mettre des mots sur sa personne, si l'on veut entrer dans les détails, nous heurte toujours à un mur difficile à franchir. Alors qu'il était encore farouche jusqu'à son dixième anniversaire, le jeune garçon (adolescent, pouvons-nous dire) bascula complètement sa personnalité vers un opposé surprenant : froid, manipulateur, doté d'un égo capable de pourfendre l'attachement qu'il a pour autrui, Ciel est un ancien enfant jovial dont les actes et la manière de réfléchir en étonnent plus d'un; quand on ne lui crache pas dans le dos, sous prétexte qu'il n'est qu'un gamin. Et c'est justement après ce genre de réflexions que Ciel aime répondre, prouvant ainsi une assurance inébranlable, ainsi qu'une confiance en soi sans limites. Hormis envers Sebastian, il semble ne se reposer sur absolument personne; à ne pas confondre avec la confidence, car même là, son majordome n'a pas droit à l'ouverture de toutes les portes. Il se méfie toujours d'ailleurs de lui sous certaines circonstances, n'oubliant jamais que, bien qu'il soit sous le moindre de ses ordres, il reste un diabolique démon avide de son âme.

Socialement, donc, Ciel mène un double-jeu. Par les codes de la galanterie, il accueille ses invités et rencontre les personnalités comme il se doit, masquant ainsi sa froideur derrière un sourire faux et même quelque peu gênant pour son amour-propre (Ciel a en effet presque entièrement perdu l'habitude de sourire sans se forcer). Il connaît ses bonnes manières, mais celles-ci ne ressortent jamais par gentillesse. Cette facette-là de sa personnalité, hélas, se fait rare. L'altruisme de Ciel n'est parfois que synonyme d'obligation, parfois même dans un but enfoui, mais bien recherché. C'est pourquoi le jeune comte a plus mentit que sourit à la plupart des gens qu'il croise. Mensonges pour son identité, son entourage, et surtout ses intentions. Il n'a qu'un but : effacer les tristesses de la Reine, et user de tout les moyens possibles pour cela. Avec ce démon à ses côtés, les possibilités sont grandes, laissant ainsi libre court à la bien stratagème imagination de l'anglais. Il n'hésitera jamais à utiliser les cartes qu'il possède, profitant ainsi pleinement du pouvoir qu'elles lui offrent. Seul, Ciel ne possède en effet rien, si ce n'est la propriété d'une créature des Enfers. Mais techniquement, c'est lui qui s'en sert. Tout revient au même.

Dit comme ça, Ciel semble n'être rien d'autre qu'un infâme manipulateur. Et c'est ce qu'il est ! Il est bien difficile de cerner le peu de gentillesse de l'enfance qui est sensé lui rester. Or, il n'est pas tout à fait salopard non plus. Dotée d'une certaine détermination, Ciel bravera toujours un danger pour aller sauver un proche, ou juste résoudre une affaire. Il y a tout de même fort à parier que toute cette assurance provient du fait qu'une bête attachée en une laisse qu'il tient lui appartient. Si Ciel était bel et bien seul, il serait impuissant, faible, voire même mort. Peut-être ne se l'est-il d'ailleurs jamais avoué, car le peu de fois où Sebastian l'a laissé seul, il était incompétent au point de ne même pas savoir lacer correctement ses chaussures. Ironiquement, il a beaucoup de choses à cacher dans le cerveau, en terme d'écriture, lecture, escrime ou même n'importe quelle qualité requise pour un comte... mais pour ce qui est des tâches ménagères, une dizaine d'années d'apprentissage suffirait tout juste.

À 13 ans, on a rien à mettre en valeur. On n'est pas un homme, on est tout juste un adolescent. Et à l'entrée de la puberté, on a si peu à dire ! Ciel, c'est plus dans la tête qu'à l'extérieur. Et pourtant, même sur son corps, on y voit le comte, le limier, et de sombres secrets sur lesquels on ne pourrait y poser le moindre titre...

Malgré sa confiance en soi inégalée, Ciel complexe particulièrement sur le fait d'être plutôt petit, et de ne pas bien grandir. Un mètre 52 pour un poids de jeune fille (étant donné qu'il semble avoir la juste taille pour porter des robes...) et un corps relativement mince. Le corps de Ciel est passé par des périodes rudes, qui ont rendu ce dernier assez frêle, et qui dépend généralement de vêtements chauds ainsi que d'un bon repas contenant de quoi renforcer sa santé... Pourtant, cela ne semble pas suffire, parfois. Une peau de porcelaine, des cheveux d'une teinte aussi bleuâtre que grise, et surtout, des yeux- pardon... un œil aussi bleu qu'un fond de mer. L'autre, en effet, est marqué du sceau le liant au démon Sebastian; preuve de leur pacte incassable autrement que par sa vengeance tant attendue. Afin de le cacher, il le dissimule derrière un cache-oeil dont aucun de ses proches ne se pose la question quant à son existence. Il fait ainsi passer cet œil marqué par le Diable pour une blessure irréparable de l'incendie de son manoir.

Moues d'enfant, et regards contradictoires; mêlant manipulation et sadisme. Ciel possède des visages qu'il sait aussi bien masquer qu'utiliser. L'hypocrisie n'est pas que dans son crâne, mais également face à tous, comme parfait déguisement.

Le corps de Ciel présente une autre anomalie gravée sur son corps : en bas de son dos se trouve la grotesque cicatrice bien visible d'une marque au fer brûlé, représentant le symbole d'une ancienne secte réunissant adorateurs du Diable. Preuve indélébile de son ancienne appartenance à un groupe de pervers souillés par tout vice machiavélique en tant qu'objet... autant de plaisir que de substitut d'invocation. De ce fait, malgré son jeune âge, Ciel n'est malheureusement plus vierge... Il ne porte cependant aucune autre séquelle de cet épisode affreux.

Malgré son attitude bien portante, le jeune comte présente encore deux petits soucis au niveau de sa santé. Il est tout d'abord allergique aux chats, ou plutôt à la totalité des félins. C'est pourquoi il interdit dans l'enceinte même du manoir la présence du moindre de ces animaux-là. Et enfin, il est asthmatique. La plupart de ses crises sont survenues durant sa petite enfance, mais elles se sont volatilisées après sa rencontre avec Sebastian. Trois ans après, cette maladie a refait surface, le rendant ainsi fragile en cas de rhume et peu résistant aux activités trop physiques.

Ne reste plus que la touche importante pour un comte : le code vestimentaire. Ciel, comme tout bon noble et partisan de la famille royale, s'habille de manière toujours élégante. Même au manoir, dans ses tenues « décontractées », il porte toujours un blazer et même ses bottes entièrement lacées. Il prend une couche supplémentaire lorsqu'il est de sortit, revêtant parfois un haut-de-forme à sa taille, et même quelques fois une petite canne dès qu'il se rend à Londres. Ciel n'obtient ses tenues que d'une tailleuse de choix, bonne amie dans les relations de ses proches, bien qu'un brin excentrique... Mais l'image, avant tout. L'image...

« Et pourtant, tu choisis d'abandonner la lumière... »

Ce n'est pas pour mes parents.
Ce n'est pas pour mes proches.
Tout ça, je l'ai fais pour moi.

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L'avait-on appelé Ciel pour la couleur de ses yeux ? Ou pour sa couleur fétiche prédestinée ? Ou pour le temps magnifique qu'il faisait ce jour-là, malgré le froid de Décembre ? Était-il sinon un enfant tant espéré de Dieu qu'il provenait donc du Paradis ? Pourtant ni Rachel, ni Vincent Phantomhive ne connaissaient à l'avance l'avenir de leur fils unique. Petit, farouche, joueur, curieux, adorable, frêle mais bijou à petites jambes... Il était le digne héritier de la maison, du titre et de la société dirigée par sa famille. Le petit trésor pour l'instant épargné pour de longues années encore de la noirceur dont était encore capable le sceau... la bague, l'héritage, la réputation, les liens envers la Reine... Tout cela, Ciel n'y était pas encore préparé.

Pourtant, il allait s'en retrouvé confronté.

Mais il vivait un quotidien aussi naïf qu'inoffensif, en compagnie de sa cousine Elizabeth et de ses tantes. De la famille éloignée comme proche. Les Midford venaient prendre régulièrement le thé, et encore plus lorsqu'on annonça aux deux petits cadets de la famille qu'ils étaient fiancés avant même de pouvoir se réjouir d'un quelconque mariage; trop jeunes ! Trop jeunes pour ça ! Mais il adorait sa cousine, heureusement ! Les jeunes filles délicates et douces comme elle, c'était tout ce qui lui convenait... Comme le cocon doux, chaud, aisé et facile qu'était son « tout-les-jours ».

Pourtant, il allait s'en retrouvé confronté.

Peu après son dixième anniversaire, la vie de Ciel bascula dangereusement, faisant tomber le petit dans un cauchemar qui semblait sans fin.

Qui sont-ils...

- Oooh ! Il est beau, celui-là ! La petite paye qu'il doit valoir, mon vieux !

Où suis-je... Je veux rentrer...

- Je vous le fais à pas moins de 8 zéros, tut tut tut, bien trop précieux pour ça.
- Heh heh, vous savez parler affaires, vous... Marché conclu !

Père... Mère...

Son manoir : brûlé. Ses parents : assassinés. Le majordome : disparu. Son chien adoré : il avait tenté de le tirer de son sommeil alors qu'il était déjà mort. Ciel avait parcouru les couloirs enflammés et avait pu en sortir sans savoir comment. La chance ? Ou la poisse, pour ne pas avoir péri avec ses proches. Il était certes en vie, mais désormais considéré comme objet de décoration après avoir été trouvé par il ne savait quels gens, quels monstres, quels personnages abominables qui n'avaient d'yeux que pour des désirs aussi fous que sales... Loin, bien trop loin des idées innocentes et apeurées du petit garçon. Acheté, revendu, puis re-acheté, et enfin, attaché.

Durant un mois entier, il vécut le calvaire.

Enfermé dans une cage en compagnie d'autres enfants, tous issus de milieux différents, mais à prix d'or comme de pacotille. Recueillis après des catastrophes, kidnappés, ils ne se connaissaient pas et avaient tous le même rêve utopique : s'enfuir. Les jours passants, Ciel perdit la notion du temps, et égarait de plus en plus sa raison tout comme sa peur grandissait, et sa vision du monde s'effritait. Torturé, violé, traité comme pire immondice qu'un animal, il perdit foi en tout espoir; que ce soit par la pitié du destin ou même en Dieu. « Dieu n'existe pas ». Et personne ne l'a sauvé. « Personne ne viendra me sauver ». Aussi lucide que désespéré alors qu'il était si jeune, il abandonna toutes ses convictions, et surtout, toute cette morale qu'on inculpait pourtant à chaque enfant : toujours agir de manière à gâter le bien; on le lui rendra.

Foutaises.

C'était l'exact opposé, un génie du mal, le malin, qui l'avait secouru.

Pour tomber encore plus bas. Mais au moins, il serait en vie.

Alors qu'il avait été choisi pour une cérémonie aussi absurde que réelle, Ciel lança un appel à l'aide du fin fond de ses entrailles. Et il apparut.

Il lui apparut.

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« Je veux la force ! »

Tu veux la force...

« Une force qui dépasse celle de quiconque ! »

De n'importe qui...

« Je veux me venger de ceux qui nous ont fait subir ce sort, ceux qui nous ont humilié, moi et ma famille ! »

Dans ce cas, veux-tu...

« Diable ! »

... sceller notre accord ?

« Je veux faire un pacte avec toi ! »

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Il tendit une main tremblante, faible, mais accepta celle qui l'empoigna en retour, puissante et source de pouvoirs maléfiques, à la force incongrue. Une force qui allait devenir la sienne. Une force qu'il allait pouvoir utiliser comme bon lui semble. Une brûlure lacérante lui creva l'oeil avant de le guérir pour qu'il se transforme en symbole évident du contrat. Un pentacle avec les inscriptions du serment, d'une vieille bible maudite dont il se fichait des règles, car les règles, il n'y en avait que trois et voilà en quoi consistait la teneur de ce pacte maudit :

Aide-moi à accomplir ma vengeance.
Protège-moi.
Ne me ment jamais.

Changé, le comportement et la vie basculés, il fronça les sourcils en regardant le lieu de sa prison s'effondrer et brûler. Il y a quelques instants encore, il était un petit être fragile et désespéré. À présent il était fort, encore un peu perdu, mais nourri par un sentiment de haine qu'il n'avait encore jamais ressentit. Personne ne pouvait le toucher, lui parler avec empressement, il était... encore un animal blessé que seul son nouveau majordome pouvait approcher. Car ce démon qui l'avait libéré, ce démon qui allait l'aider dans sa vengeance jusqu'à dévorer son âme en contre-partie à la fin, était devenu le plus fidèle serviteur qu'il n'aura jamais eu. Comme leur indiquait le contrat. Il lui donna alors son nom. En souvenir de son défunt chien adoré.

Sebastian.

Il lui suffisait ensuite de prononcer ce nom pour qu'il vienne à lui. Peu importe la situation, peu importe l'endroit. Il l'appelait, il venait. C'était aussi simple que cela.

Durant trois ans, tout les deux durent non seulement apprendre à se connaître, mais également s'enseigner mutuellement les connaissances nécessaires pour cacher cette relation de contractant à démon derrière un grotesque mensonge entre comte et maître. Pourtant, le retour de Ciel sembla marquer un départ prometteur vers un avenir flamboyant. Aimé de ses proches, riche, officiellement dans la grande famille royale, reconnu, et même guéri de ses blessures... Peut-être... que c'était mieux ainsi... Qu'il pouvait s'arrêter là, et se considérer comme renouveau... Qu'il pouvait abandonner cette stupide idée de vengeance qui, de toutes manières, le plongerait droit vers des abîmes qu'il n'a pas besoin de fouiller encore... S'il laissait tomber...

Mais...

Non, il n'était pas revenu pour rien. Il allait brandir cette épée et l'abaisser, cherchant ainsi la vérité en même temps qu'il la combattrait... et la vaincra. Sebastian était cette arme. Il était sa meilleure carte. Oui, il l'avait dit : il le mènera vers la victoire.

Ciel Phantomhive, comte et limier de la Reine, marchant alors sur les traces de son père disparu.

Et pourtant, il choisit d'abandonner la lumière...